La place du digital dans la stratégie de communication des institutions publiques

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À l’occasion du Web2Day, j’ai pu échanger avec Fabian Ropars du Blog du Modérateur sur la place du numérique dans la stratégie des institutions publiques. Voici la restitution de cet entretien, également publié ici.

Pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre poste ?

Je suis Noémie Buffault, Social Media Manager à la ville de Nantes. Je travaillais avant pour la ville de Paris, comme responsable du pôle Social Media. Si les deux villes sont évidemment différentes, certains enjeux de communication demeurent similaires. Par exemple, ces deux villes ont un rayonnement national et international qu’il faut faire fructifier.

Autre point commun, Nantes et Paris sont toutes deux conscientes de l’importance de nourrir une stratégie digitale en tant que collectivité. A Nantes, nous sommes une équipe dédiée à la communication numérique, et sur les réseaux sociaux nous sommes 3 personnes à temps plein (dont une personne en stage).

Ma mission ici à Nantes consiste à structurer les prises de paroles de l’institution sur les réseaux sociaux. Notamment à travers des campagnes thématiques, c’est-à-dire des séries de messages déclinés dans une durée limitée dans le temps. Il s’agit de mettre en récit différents axes de communication en s’appuyant sur notre connaissance pointue de chaque réseau social. Bien souvent, nous rebondissons sur des événements populaires, qui sont autant de prétextes pour valoriser l’action municipale : le Web2Day est ainsi l’occasion de rappeler que Nantes est une place forte du numérique, le Challenge européen du vélo, un prétexte pour valoriser l’engagement nantais en matière de mobilité douce etc.

Quels sont les enjeux pour une ville comme Nantes à être présente sur les réseaux sociaux ?

Il sont au nombre de 3 :

  • Le premier, c’est de valoriser l’image de la ville de Nantes et notamment la richesse de son offre culturelle et de loisirs via les différents supports numériques à notre disposition.
  • Le deuxième, c’est la dimension service public, c’est-à-dire notre capacité à répondre aux internautes qui nous sollicitent via les réseaux sociaux. Nous sommes à la croisée de la communication et de l’information. Notre objectif c’est d’apporter aux citoyens qui en ont besoin les services qui été conçus pour eux. C’est un type de ciblage qui relève du marketing, mais qui s’inscrit totalement dans une démarche de service public. L’enjeu n’est pas qu’il y ait un maximum d’utilisateurs comme un acteur privé, mais que l’information soit bien comprise et diffusée aux bonnes personnes.
  • Le troisième enjeu pour nous est de promouvoir les politiques publiques menées par la Ville et la Métropole. Cela se traduit par des campagnes visant à mettre en avant tel ou tel engagement, mais aussi par la valorisation de temps forts politiques que sont les conseils municipaux et métropolitains, instances politiques ou les décisions se prennent.

La spécificité de nos missions, c’est que nous travaillons entre les citoyens, les élus et l’administration, trois entités qui ne partagent pas le même rapport au temps. Cela dit, ce que j’ai essayé de faire comprendre pendant mon intervention au Web2Day, c’est précisément que les réseaux sociaux représentent un levier susceptible de réconcilier ces cultures.

Quelle est l’influence du politique sur votre travail ?

Il y a quelques années dans la communication publique, la mode était de clamer que la politique n’avait pas d’influence sur notre travail de communicants. Aujourd’hui, je trouve ce discours assez démagogique. Il est illusoire de penser que la politique n’influe pas sur ce que nous proposons et ce que nous produisons.

Nous faisons la promotion d’une ambition politique qui s’illustre à travers mille projets dont nous nous faisons l’écho. La communication publique ne s’envisage pas à l’écart des élus et à l’abri des décisions politiques. Au contraire, nous avons tout à gagner à mettre en commun nos efforts pour répondre au mieux aux demandes des citoyens et pour promouvoir les politiques publiques mises en œuvre par les élus.

Est-ce complexe de travailler avec des acteurs politiques ?

C’est une chance, car ces acteurs ont une vraie marge de manœuvre pour faire changer certaines choses. On imagine parfois les politiques dans une tour d’ivoire, loin des réalités du terrain, c’est souvent faux. Les élus locaux ont par exemple très tôt compris l’avantage qu’il y avait à investir les réseaux sociaux pour entrer en relation directe avec les habitants, la presse locale ou encore les acteurs économiques et sociaux incontournables dans leur champ d’action.

La Maire de Nantes, Johanna Rolland, est le fer de lance de la visibilité de sa ville sur le web. D’autres élus sont eux aussi acculturés au numérique et sont par exemple très actifs sur Twitter. Pour ceux qui le sont moins, une de nos missions est de leur fournir outils et méthodes au cours de formations individuelles ou de groupe.

#Intempéries Je demande à l’État la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour #Nantes @Prefet44 @Place_Beauvau pic.twitter.com/I7Azu0lsJy

— Johanna Rolland (@Johanna_Rolland) 10 juillet 2017

Lorsque je travaillais au Ministère des Affaires Étrangères, c’était déjà le cas, les Ambassadeurs étaient très demandeurs de temps d’échange autour des réseaux sociaux. Même les plus sceptiques finissaient par s’enthousiasmer par les possibilités d’une communication directe avec leurs interlocuteurs. Je suis convaincue que les acteurs politiques comprennent aujourd’hui l’importance de maîtriser ces outils de communication et de mise en relation.

De votre point de vue quelles sont les tendances social media qui fonctionnent le mieux en ce moment ?

Il y en a trois : le live vidéo, le format « story » et les chatbots. Le phénomène de la vidéo en direct a déjà un an, mais c’est vraiment un sujet qui nous intéresse à Nantes. Récemment, nous avons diffusé la réouverture du Musée d’Arts de Nantes après 6 ans de travaux en direct sur Facebook Live. Nombre de Nantais ont été au rendez-vous, avec un taux d’engagement de 12,5% et nous avons bénéficié de commentaires intéressés et constructifs. Nous allons réitérer l’expérience.

Nous développons aussi les stories sur Instagram et ces récits éphémères rencontrent largement leurs publics sur le compte de la ville de Nantes, où nous gagnons pas moins de 1000 abonnés par mois.

capture d’écran du compte Instagram @Nantesfr

Nous sommes aussi présents sur Snapchat depuis quelques semaines, nous avons fait quelques tests. Cela dit, les derniers chiffres m’ont laissé perplexe, il apparaît que le nombre de consommateurs de stories Instagram est supérieur au nombre total d’utilisateurs de Snapchat.

Enfin, ce que je souhaiterais pouvoir mettre en place à l’avenir, c’est un Chatbot utile pour les citoyens. On peut imaginer des Chatbots qui répondent aux citoyens sur des problématiques précises et pratiques type horaires d’ouverture des équipements via Messenger ou WhatsApp par exemple.

Comment faire pour s’inspirer dans un secteur aussi spécialisé que la communication publique ?

Un des secrets c’est de ne pas limiter ses sources d’inspiration au secteur public. Je regarde bien sûr ce que font les autres villes comme Toulouse, Châteauroux ou Paris qui parviennent à innover sur les réseaux.

Mais, au-delà mon inspiration c’est tout ce que je peux lire en français et en anglais sur Twitter, que je continue d’utiliser comme une épicerie de bons liens.

En plus, je suis abonnée à de nombreuses newsletters, je vous encourage d’ailleurs à découvrir ce thread Twitter, plein de bonnes adresses.